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Si l’on parvient à s’exfiltrer de la foule dense du bar-café du Théâtre aux Écuries, on peut apprécier une exposition de clichés et de petits textes de Marcelle Dubois sur Villeray. Accompagnée d’une photographe, l’auteure est allée arpenter les rues du quartier dans lequel se trouve le théâtre pour rencontrer ses habitants, et ainsi créer une ébauche de cartographie sociale, à la fois prélude à la représentation et prolongement de sa démarche anthropologique.
Originaire d’Abitibi-Témiscaminque, Marcelle Dubois était en résidence au Théâtre du Tandem à Rouyn-Noranda lorsqu’est née l’idée d’Habiter les terres. Parcourant pendant trois semaines le territoire, elle avoue avoir hésité, entre documentaire et fiction, ne sachant pas trop comment rester « fidèle au désir de soulèvement politique qu’elle a capté chez ces habitants, sans être contrainte à un devoir de vérité.»
Guyenne est un petit village déserté dans le Nord du Québec menacé par un décret gouvernemental qui prévoit de fermer le seul axe routier qui le dessert. Avec la complicité d’un ours bonhomme, d’un couple d’outardes, et d’une enfant du pays revenue s’installer au village, les derniers habitants se rebellent et kidnappent le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Occupation du territoire pour faire entendre leur voix et forcer le premier ministre à effectuer les dix-sept heures de voyage qui séparent le village de la capitale. En attendant, le ministre de l’Environnement restera planté là, dans un champ de navets, seule production locale, à la fois métaphore de l’enracinement et concrétisation cocasse du concept d’occupation des sols. « Guyenne, à l’origine », prêche la nouvelle arrivante, c’était un rêve pionnier, un « modèle d’utopie.»
«Habiter les terres» est une fable hybride, oscillant entre bestiaire tapageur et manifeste politique, et très justement servie par la mise en scène subtile de Jacques Laroche. Les dialogues incisifs et drôles des humains se répercutent dans le discours sensé des animaux jusqu’à ce que les corps des personnages se confondent pour ne former qu’une seule entité. L’imaginaire est intégré aux éléments plus réalistes de la fable avec un naturel parfaitement retranscrit sur scène par les interprètes. Le tout donne un agréable moment de théâtre sur la base d’une réflexion grave sur le dépeuplement du Nord et la déterritorialisation.
«Habiter les terres» est à l'affiche au Théâtre aux Écuries jusqu'au 27 février.