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Le recueil Du feu autour de l’œil (suivi de Blessures de l’eau) d’Hyam Yared est un chant de cendres et de vagues, un poème qui brûle et qui inonde, une traversée où le corps et la ville partagent la même douleur de l’exil et de la mémoire mutilée. Yared, écrivaine libanaise née à Beyrouth en 1975, inscrit sa voix dans la lignée des grandes plumes où l’intime et le politique s’entrelacent, où le poème devient un territoire en lutte contre l’oubli. Ce livre est une cartographie de la perte, un dialogue entre l’éphémère et l’éternel, où la guerre, l’amour et la chair se confondent sous le prisme du feu et de l’eau.
Dans Du feu autour de l’œil, Beyrouth est omniprésente, à la fois ville et peau, chair martyrisée et amante égarée. L’autrice déploie une poésie qui arpente les ruines, où la ville devient un organisme blessé, saigné par les guerres et les exils.
« On a dit à la ville, arrête
de te liquéfier dans ta douleur. Arrête
de surjouer ta mort, arrête
de penser que ton malheur fait ton nombril, arrête
de ne plus savoir comment survivre et danse. Alors
elle a dansé, la ville, avec ses ombres et ses lumières. »
Yared donne une voix à Beyrouth, non pas celle d’un simple décor, mais d’une présence vivante, hantée par ses propres fantômes. La ville pleure, saigne, brûle et ressuscite sans jamais se délester de ses blessures. Le Liban, ici, est plus qu’une géographie, il est un palimpseste d’amours et de deuils, où la mémoire est une plaie qui refuse de se refermer.
Le recueil tout entier est traversé par l’allégorie du feu et de l’eau. Le feu, élément destructeur mais aussi révélateur, est celui des villes bombardées, des désirs qui consument et des révoltes incandescentes. L’eau, elle, est la mémoire, l’érosion, la dissolution de l’identité dans l’exil et la douleur.
« Quand le feu a demandé à l’eau si elle s’accommodait de vivre sans combustion
l’eau a répliqué : Demande aux poissons, ils te diront
le feu que ça prend
de repousser des vagues avec des nageoires trouées. »
La poésie de Yared interroge cet équilibre instable entre destruction et résilience, entre la flamme qui consume et la vague qui efface. Ces deux forces ne cessent de s’affronter, incarnant à la fois la guerre et la survie, l’amour et son impossibilité.
Le corps est au centre de cette poésie. Il est un territoire, une ville à lui seul, un lieu de résistance et de désir. Chez Yared, la chair n’est jamais neutre : elle est politique, marquée par l’histoire et le trauma. L’érotisme y est une lutte, une manière d’exister dans un monde qui cherche à effacer.
« Si j’avais été un homme j’aurais bandé pour toi
mais je n’en suis pas alors je mouille.
Je mouille jusqu’à ne plus savoir
que faire de toute cette eau. »
Ce passage, d’une crudité désarmante, exprime cette tension entre le féminin et l’interdit, entre le corps et le langage. L’écriture de Yared est une provocation, une mise à nu où chaque mot tente de reconquérir un territoire perdu.
Ce recueil est une odyssée où chaque poème est une île, un naufrage ou une résurgence. Hyam Yared y compose une œuvre magistrale, où le feu et l’eau ne cessent de dialoguer, où l’amour et la guerre se confondent, où la ville et le corps partagent le même destin de ruine et de renaissance. Son écriture, d’une puissance rare, brûle les certitudes et laisse dans la gorge un goût de cendre et de sel.
Avec Du feu autour de l’œil, Hyam Yared prouve que la poésie n’est pas qu’un refuge : elle est une arme, une mémoire vive, une brûlure impossible à éteindre. Le recueil est disponible aux Éditions Mémoire d'Encrier.