Inscrivez-vous
Des offres exclusives et événements gratuits
Le 23 février, Nemahsis a conclu sa tournée Don’t go where you’d hate to be found avec un concert poignant au Club Soda. Initialement prévu au Théâtre Fairmount, l'événement a dû être déplacé pour accueillir un public plus large, preuve de l’engouement croissant autour de l’artiste canado-palestinienne. Malgré une grippe persistante, Nemahsis a offert une performance sincère et intégrale, entre confessions, activisme et délicatesse musicale, une tasse de thé à la main.
Avant l’entrée en scène de Nemahsis, la soirée a débuté en douceur avec Seago, accompagné de l’artiste Harper. Originaire de Brampton, Seago s’impose comme une figure montante du hip-hop moderne canadien, alliant une esthétique captivante à une fusion unique d’influences. Son style, qui mêle l’énergie brute et la puissance narrative du hip-hop classique aux sonorités contemporaines, crée un équilibre entre nostalgie et avant-gardisme.
Nemahsis elle-même a découvert Seago lors d’un concert de levée de fonds pour la Palestine, et son invitation à partager la scène témoigne de son désir de mettre en lumière des artistes dont elle partage les valeurs et les engagements. À travers des textes introspectifs et un jeu d’influences entre boom bap (courant musical du rap East Coast des années 80-90), trap et R&B, Seago a su transporter le public dans son univers avec brio.
Nemahsis a navigué entre les titres de son dernier album Verbathim et des morceaux plus anciens, très attendus par le public. Sa toute première chanson, what if I took it off for you? par exemple, a résonné avec force dans la salle. Dans ce titre, la chanteuse-compositrice met son âme à nu, utilisant sa voix envoûtante pour exprimer sa frustration d'être réduite à un simple symbole en tant que femme portant le voile. Elle y dénonce également l’ostracisation qu’elle a subie, y compris au sein de sa propre communauté, en raison de son identité d’artiste visiblement musulmane.
Les moments d’intimité avec le public étaient nombreux, notamment lorsqu’elle a présenté old body, new mind, une chanson inspirée par une rupture douloureuse avec un ancien fiancé. Nemahsis se confiait à son public comme si elle parlait à ses proches, avec une sincérité désarmante. Malgré l’ampleur de la salle qui affichait complet, entre les confessions et les chansons chantées à l’unisson, on avait presque l’impression d’être en petit comité, invité dans le salon de Nemahsis, où elle se livrait sans filtre et sans gêne, comme si chaque spectateur faisait partie de son cercle intime.
Au-delà de son récit personnel, Nemahsis fait résonner l’histoire collective de son peuple avec chemical mark. Cette chanson s’inspire d’une étude scientifique portant sur l’héritage biologique des traumatismes, un phénomène observé dans le cadre de recherches en épigénétique. Des expériences menées sur des souris ont démontré que l’exposition à des événements traumatiques pouvait entraîner des modifications chimiques dans l’ADN, affectant la manière dont certains gènes s’expriment. Plus troublant encore, ces altérations ont été transmises aux générations suivantes, même lorsque celles-ci n’avaient jamais été confrontées directement au traumatisme initial.
Ces découvertes entrent en résonance avec l’expérience de nombreux peuples marqués par l’exil et l’oppression, dont les Palestiniens. À travers chemical mark, Nemahsis met en lumière ces blessures invisibles qui traversent les générations et façonnent les mémoires. « All we know is the pain / Have you heard / Leaves a strain / DNA like a curse » : des paroles lourdes de sens, qui capturent l’empreinte laissée par ces souffrances et la façon dont elles se transmettent, consciemment ou non, à travers le temps.
Désobéir pour mieux s’accomplir : c’est ce que Nemahsis incarne depuis que son label l’a abandonnée suite à ses prises de parole sur ce qu’il se passe en Palestine. Loin de freiner son ascension, cette rupture a consolidé son statut d’artiste indépendante, libre de porter sa voix sans compromis. Ce concert de clôture avait une saveur particulière pour elle, comme une revanche sur l’abandon industriel, validée par une salle comble.
Face à un public fidèle, Nemahsis a exprimé sa gratitude d’avoir pu continuer la musique envers et contre tout. Le succès de cette tournée — et le changement de salle imposé par l’ampleur de la demande — prouve que son combat résonne au-delà des difficultés rencontrées.
Portée par sa communauté et son talent indéniable, elle s’impose comme une artiste à suivre, dont l’indépendance est à la fois un acte de résistance et une force créatrice inébranlable.