Inscrivez-vous
Des offres exclusives et événements gratuits
Depuis 2001, Marcelle Dubois, cofondatrice et directrice générale et artistique du Jamais Lu, a travaillé afin de permettre à la culture de fleurir en créant un espace vital pour les nouveaux auteurs de théâtre. Après 25 ans à avoir porté ce projet, il s’agit de sa dernière édition sous le thème S’aimer. Sans fin. atuvu.ca s'est entretenu avec elle afin de discuter de l'édition à venir, de sa carrière, et de ses craintes.
Le Festival du Jamais Lu, célébrant sa 24e édition du 2 au 10 mai 2025, est un événement phare du milieu théâtral, visant à mettre en lumière des textes écrits par des auteurs émergents. Sous la direction de Marcelle Dubois, l'événement s’est imposé comme une référence importante dans le domaine du théâtre contemporain, tant au Québec qu’à l’international. Elle a toujours orienté son travail vers la valorisation des voix de nouveaux auteurs et autrices. Son engagement a d’ailleurs été reconnu à plusieurs reprises, notamment par des distinctions en France et au Canada, en devenant Chevalière des Arts et des Lettres par la République française en 2022 et membre de l'Ordre du Canada en 2024.
« Quand on a fait la première édition, on ne savait pas que ça allait être un festival récurrent. Et surtout pas qu'il allait avoir 24 ans, qu'on allait avoir une antenne à Montréal, Québec, Paris, [dans] les régions du Québec, la Caraïbe. », confie Marcelle Dubois.
L’idée de fonder le Jamais Lu est née alors que Marcelle travaillait dans un café en face de l’École nationale de théâtre (ENT), fréquentant ainsi plusieurs auteurs et comédiens alors méconnus. « J’avais l’impression que je n’avais pas accès à leurs œuvres. On n'avait pas accès à entendre les textes. Puis, à l'époque quand même, il y a 24 ans maintenant, les institutions théâtrales faisaient très, très peu de place aux œuvres de la relève. Donc, on avait l'impression qu'il n'y avait pas d'espace pour qu'on puisse exister, en fait. Fait qu’on l’a créé. »
Ainsi, le concept du Jamais Lu est de sélectionner des textes soumis par des auteurs émergents et de les présenter lors du festival sous forme de mises en lecture par des comédiens, mises en scène par des metteurs en scène du milieu. « Il s’agit d’une façon de présenter les textes au public de façon dynamique. Ils ont alors accès à tout le texte, à toute l'intelligence des acteurs, des actrices, mais sans décor, sans costume, vraiment plus léger qu'une production », explique-t-elle.
« C’est très satisfaisant pour le public, mais aussi pour les auteurs, car cela leur permet d’entendre leur texte. Tant que ton texte n'a pas rencontré le public, comme auteur, tu ne peux pas mesurer toutes ses accroches, ses trous, ses endroits, ses longueurs, ses punchs, tout ça. Tu as besoin du public », souligne Dubois.
« Pour moi, S’aimer. Sans fin., c’est aussi ça : c’est de dire que ce n’est pas parce que moi, qui suis la fondatrice du Jamais Lu, quitte la direction que le festival va arrêter d’aimer les auteurs », soutient la cofondatrice du festival.
Elle puise la thématique de son édition également dans les thèmes des textes proposés. « Il faut croire à demain pour écrire, parce que sinon tu n’écris pas. Et ainsi, comme artiste, comme public, comme citoyen, exercer le muscle de nourrir la roue dans le bon sens pour qu’elle tourne », ajoute-t-elle. « S’aimer. Sans fin, c’est un peu ça. C’est l’envie de dire : il faut continuer à croire qu’on a un impact sur la suite. Il faut continuer à s’aimer collectivement pour pouvoir avancer. »
Elle cherche ainsi à monter une programmation présentant un choix vaste de textes, autant au niveau des sujets traités que des origines des textes, des auteurs, des comédiens et des metteurs en scène.
Bien que le Jamais Lu soit l’un des festivals théâtraux les plus reconnus de la province, Marcelle Dubois est consciente de la précarité du milieu culturel, et donc de l’importance, plus que jamais, de continuer à faire rouler ce tremplin pour les artistes émergents. « J’aimerais dire : sinon plus que jamais, parce que lorsqu'on a créé le Jamais Lu, c’était en réaction contre les institutions qui n’étaient pas assez ouvertes, qui n’avaient pas de place pour notre génération », souligne-t-elle.
Elle mentionne toutefois l’évolution marquée de l’intérêt des théâtres pour les artistes émergents, qu’elle perçoit depuis le début de sa carrière. Ainsi, les revendications du Jamais Lu se sont peu à peu transformées pour devenir une niche pour les intérêts des générations futures. « Le Jamais Lu est une forme d’antichambre de ce qui va être produit après. Donc, sur quoi, nous, on met la lumière pour s’assurer que notre milieu reste vivant et pertinent. »
Bien qu’elle ressente un réel changement depuis ses débuts, Marcelle ne tient pas pour acquise cette place laissée à l’émergence dans le milieu culturel. Elle partage même des craintes face à son départ et à l’évolution de son projet : « J’ai très peur qu’il y ait un repli sur ce qu’on va appeler les valeurs sûres dans les prochaines années. Parce qu’on le sait tous : quand il y a des crises, souvent, on a des réflexes un petit peu plus conservateurs », partage Dubois. « Donc, je pense que dans ce contexte-là, la place du Jamais Lu est d’autant plus importante, parce qu’elle permet de mettre la lumière sur ce qui doit émerger, ce qui doit exister envers et contre tous. »
Marcelle Dubois termine en souhaitant une longue pérennité au festival, qu’elle décrit comme un terrain de jeu, un lieu pour « s’exprimer et continuer à rassembler le plus de gens possible à l’intérieur. » Ce départ lui permettra de se consacrer pleinement à la direction générale et coartistique du Théâtre Aux Écuries, poste qu’elle occupe à temps partiel depuis six ans, en parallèle de ses responsabilités au Jamais Lu.