Inscrivez-vous
Des offres exclusives et événements gratuits
La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
JEAN-PAUL DAOUST
En avance pour le 70e anniversaire du poète Jean-Paul Daoust chez Mado, je rentre chez "Autour du pain" prendre un café. J’écoute et j’observe.
On s’adresse à moi. "Il me semble que l’on se connaît?" Peut-être, mais je n’en ai pas la moindre mémoire. "Aurais-tu une pastille?" Drôle de phrasé. C’est pas physique c’est culturel, je crois .
Tiens, Stephen Faulkner chante au National, en face. Je croyais qu’il en était au métro. Il a toujours été dans l’ombre pour toutes sortes de raisons. Dommage! "En quel bois était le cercueil de René? Quel sobriété comparativement à leur maison." "C’est peut-être Céline qui a un goût pour le kitch."
Je me sens tellement libre dans le village à ne pas désirer. C’est peut-être parce que j’arrive du Laika un peu frustré de m’être senti prisonnier d’avoir eu trop de désirs non comblés. Le gars qui m’a dit qu’il avait l’impression de me connaître vient finalement vers moi pour me dire que ce n’était pas moi. C’était un autre avec qui il avait déjà été. J’ai senti une petite chaleur.
J’ai hâte à demain. Je vais manger chez des amis. Je vais y découvrir un fromage au trois laits que j’ai acheté chez Hamel qui sera supporté par le pain de chez Guillaume. Tiens, mon voisin de gauche est rendu à la prostate: petite, grosse, molle, dure. Ça en devient presque appétissant.
Mardi c’est le théâtre qui m’attend. “Le joueur" au Prospéro. Je crois que c’est l’art le plus vivant à Montréal. Voilà le gars d’à côté qui prend un accent plus pointu pour dire qu’il n’aime pas avoir des gens chez lui. Il ressemble d’ailleurs à Gretta Garbo. Même avec ses lunettes soleil, son ton paternaliste trahi son âge. Il aime bien la chemise qu’il a achetée. Son compagnon lui répond sur un ton agacé. "Bien oui chose, c’est un classique, t’as rien inventé". L'autre d’en face à une montre qui compte ses pas et lui dit quand remplacer ses pompes.
Bon, dans mon magnifique pantalon Dubuc et ma coiffure à l’avenant de chez Bizarde, je suis prêt pour les 70 ans de Jean-Paul Daoust. Avec tous ces noms d’endroits j’ai l’impression que je viens de parler de mon Montréal. D’ailleurs il y a un nouveau site très bien qui parle de cela MTL&MOI.
Salle comble chez Mado pour Jean-paul Daoust. Yann Perreau, toujours aussi gentil, généreux, chauffe pour Jean-Paul dans "Je danse". Pour moi ce poème est une touchante exultation de douleur. Comme un peu toutes les exultations finalement. Deux gars me draguent et je n’ose pas approcher la fille à laquelle je suis intéressée. Cela me rappelle la poésie de Stephen Faulkner (extrait de mémoire):
"Je t’aime mais tu ne m’aime pas.
Je sais que tu en aimes un autre qui déjà ,
S’en va au bras de celle qui le laissera .
Une m’aime mais je n’y suis pas,
Celle que j’aimais n’est plus là.
Elle aime celui qui vient de quitter celle qui va.", etc.
Et je rentre chez moi avec “Mon petit bonheur”. Non, je ne vous la chanterai pas.