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La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
J’ai été invité la semaine dernière à une pendaison de crémaillère chez Thomas. Ses amis l’appellent Andy, car il ressemble à Andy Warhol.
Au centre de l’énorme loft, il y a un escalier qui mène à une porte noire sur laquelle il y a un graffiti en rouge qui dit: «condamnée». Les invités, curieux et nombreux montent et descendent sans cesse.
Cela me fait penser au mouvement du temps. Une sorte de mécanisme d’horloge vivant dans un boîtier où il fait une chaleur torride et où les corps lustrés se balancent avec de plus en plus d’aisance et de proximité.
Plus tard dans la soirée, Thomas a tenté avec moi le coup de la confidence. :
«Tu sais Charles que cet escalier ne me servira qu’à une chose. Observer l’expression sur les visages des gens qui le descendent. C’est fascinant ce que cela peut m’en dire sur eux. Selon leur physionomie, je décide comment les aborder, si j’en vois l’utilité. C’est comme un spectacle d’hypnose, on doit choisir les bons sujets. Tu vois ce soir, je n’en ai retenu qu’un. Celui qui a déboulé l’escalier plus tôt. Il a été blessé. S’il parvient à l’accepter, il survolera la soirée. S’il n’y parvient pas, alors je le dominerai et en ferai mon guignol de nuit.
Tu connais l’effet Ritchter? Bon! Je t’explique. Après 15 minutes dans un bocal d’eau, un rat se laisse couler de désespoir. Si on le retire du bocal, le sèche, le rassure, puis on le remet à l’eau, après plusieurs heures il nagera toujours. C’est l’espoir qu’on lui a inculqué qui le motive à continuer. C’est la foi. Comme croire en Dieu. Et lorsque tu as compris cela, tu deviens tout puissant et tu peux faire nager longtemps. »
Tard dans la nuit, le garçon blessé n’avait toujours pas pu se relever et Thomas n’a eu de cesse de le faire patauger. Il se retrouvera probablement au petit matin à servir de tapis de bain .
J’ai finalement quitté la soirée en me disant qu’il y a des narcissiques tellement fragiles et inquiets qu’ils aménagent leur environnement de façon à pouvoir contrôler les autres comme s’ils étaient des souris dans un labyrinthe de laboratoire. Je me demande d'ailleurs comment précisément Warhol avait aménagé «The Factory» ? On ne peut sûrement pas le demander à son égérie Edie Sedgwick, car elle n’est jamais sortie du labyrinthe…