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La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
Mon voisin de banquette, François, un homme d'un certain âge et habitué de ce café jeune et branché, engage la conversation en m’expliquant qu’il s’assoit toujours à cet endroit car il y a un miroir derrière lui.
« Comme cela, je me sens moins seul en m'imaginant être dragué. J’aime bien fantasmer que toutes ces filles attachent et détachent leur cheveux afin de me séduire. Et qu’en plus, si elles me regardent rarement dans les yeux, c'est dû à ma forte personnalité et non pas, parce que j’ai plus de deux fois leur âge.
Ici, les gens m’adressent la parole, mais de façon succincte. On prend ma commande et à l’occasion, un voisin me demande de surveiller son ordi, le temps d’aller à la toilette.
Une fois par mois, une serveuse m’apporte une truffe, comme une infirmière un médicament, en me mentionnant que c’est offert par la maison. Lors d’un jour souffrant, j’ai présenté, par mégarde, ma carte d’assurance maladie, afin de régler l’addition. La serveuse, que je connais bien, m'a répondu avec repartie : "Désolé monsieur François, pas de touché rectal au menu aujourd'hui." Je me pose encore la question si j’ai ri de bon cœur à la drôlerie, ou à la désinvolture de sa jeunesse?
Depuis un certain temps, je vouvoie les jeunes et tutoie les vieux. Avec #metoo, je ne voudrais pas que le personnel de mon café me qualifie de vieux libidineux.
Mais je me console, en m’imaginant à la garderie recommencer ma vie :
"Bravo François, c’est un animal que l’on nomme un chien. Maintenant, combien a-t-il de pattes ce chien? Il a quatre pattes, François, et non pas six.
- Dites-moi madame...
- Oui François?
- Est-ce possible que des humains à 2 pattes aient une vie de chien? »