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La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
Paul déboule l’escalier en rêvant aux tulipes et jacinthes.
Heureusement, il a le bonheur distrait.
Il se relève, se dépoussière, ramasse son chapeau et lui redonne sa forme.
Il essuie son nez ensanglanté. Remonte l’escalier afin de récupérer
fièrement sa valise oubliée sur le palier.
Paul redescend cette fois comme il se doit, pour la dernière fois.
Il vient d’être évincé de son loyer.
Paul salut le concierge en retirant son couvre-chef;
Du coup, il se retrouve sur le trottoir. Il regarde dans tous les sens.
L’instinct de survie se mobilise. Il dit bonjour et sourit aux passants.
Une pièce tombe devant lui. Ça y est! Il est officiellement un sans-abri.
Plus de chez-soi, et ce n'est pas la première fois. Sa mère, distraite, l'a oublié bébé
dans un supermarché. Quant à son père, c'est lui qui a oublié sa mère .
C'est à 15 ans, en janvier à -35 degrés que Paul a goûté à l’itinérance.
Il se sentait comme de la glace sèche. L'air se brisait comme une vitrine
lui déchirant les poumons, dans un arrière goût de sang.
Babines enflées, toujours à la recherche d’une bouche de chaleur.
Un jour, son chien traumatisé qu'il venait de rebaptiser «Glaçon» s'est enfui.
Le torse gonflé, les yeux bouffis, Paul cherchait son chien jour et nuit.
Il n'imaginait pas s’en sortir sans lui.
Aujourd'hui, à 50 ans, dans la détresse, Paul n'a pas changé depuis toutes ces années.
Comme à 15 ans, il reprend le soleil comme porte-bonheur.
Paul sait aussi qu'un jour au printemps, «Glaçon» reviendra.
Ensemble, ils se rouleront dans le gazon tout en humant son odeur.
«Glaçon» le lèchera, afin de panser ses engelures de l'hiver.
Ils rendront hommage à la vie qui, à travers le soleil,
leur offrira des matins rafraîchissants de rosées caressantes.