Inscrivez-vous
Des offres exclusives et événements gratuits
La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
PAR LA FORCE DE L'ÂGE
Je croise ma voisine de palier, qui est très âgée, dans l’ascenseur. Ne sachant pas trop quoi dire, je lui demande si elle a profité des soldes de janvier. Elle me répond qu’elle aurait bien aimé, mais cela n'a pas marché. "Ce n’est pas faute d'avoir essayé. Mais je suis devenu trop amoindrie par la vie. Voyez, aujourd'hui je suis allé magasiner pour des souliers. Chemin faisant, je me suis rendu compte que j'avais oublié de noter ma pointure. J’ai rebroussé chemin. Arrivé à la maison, je n'ai pas eu à salir le plancher pour me rendre à la chambre. Je n'ai eu qu'à enlever mes bottes et regarder la pointure en dessous. Heureusement que j’avais enlevé mes bottes, car j'ai eu à aller chercher papier et crayon pour noter. Rendu à la boutique rue Saint-Denis, un vendeur affable me conseilla quelques modèles. Après hésitations, mon choix s’arrêta, même s'ils n'étaient pas en solde, sur de jolis souliers marrons très confortables. Je me suis présentée à la caisse pour payer. On m’a dit que l’on n’acceptait pas les chèques. Trop éreintée pour aller à la banque, je leur ai demandé d'appeler un taxi pour rentrer chez moi. En fin de compte, c’est ce que j'appelle «s’abstenir par la force de l’âge». Je suis donc repartie bredouille, me consolant en me disant que de toute façon, à mon âge, je ne les aurais pas usés, comme mes lunettes d’ailleurs, car mon journal La Presse n'accepte les chèques non plus."