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La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
À la voir, je lui collerais l’étiquette de «dramatique réflexe». Debout à quelques mètres de la vitrine du café où je suis attablé. Sa posture porte à croire qu'elle a déjà fait du ballet. En ajoutant ses tics de «junkie» on dirait une pantomime. C'est peut-être sa façon de communiquer. Mais sans rien contrôler. Ses tics doivent ne livrer qu’un seul message: en manque! À sa hauteur, les voitures ralentissent comme à un feu clignotant. Plutôt âgée et répugnante. Certains jours, il doit n’y avoir que des satyriasis désespérés sans argent, qui s'arrêtent pour négocier quelque chose. Probablement que tout ce qu’il lui reste à vendre comme orifice c’est sa bouche. Elle a dû souvent faire les pharmaceutiques comme cobaye lorsque les clients ne s'arrêtaient plus.
Étonnamment, elle me donne l'impression de croire en Dieu, à l’enfer, mais pas au ciel. Sèche et aride, elle n'est pas du genre à avaler des couleuvres. Je l'imagine avoir une voix de parasite qui prend souvent des pauses pour éviter la surchauffe.
Jamais un mot de vérité ne doit sortir de sa bouche. C'est peut-être sa façon de se distancier d'elle-même. Une forme de méditation inconsciente, qui lui permet tant bien que mal de résister, en déchargeant son corps trop habité. À voir ses bras, en bas de nylon remplis de mailles et son corps meurtri, je me demande si elle-même ne tenterait pas d'attendrir sa chair, pour augmenter sa valeur marchande, au lieu de laisser cette tâche à son proxénète. Probablement une espèce de boucher sanguinaire.
Son seul répit de la vie est probablement aux urgences. Contrairement à nous, elle souhaite sûrement y attendre pour l'éternité.