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La série de textes Poésie du quotidien présente des sujets prosaïques avec une teinte poétique.
Invraisemblable l'histoire d’un homme de 34 ans plongé dans le coma depuis moins de 2 mois, que l'on vient de débrancher. Il y a 2 ans, Jean est sorti miraculeusement d'un profond coma dans lequel il avait été plongé 6 ans auparavant, à la suite d'une erreur de l'anesthésiste, lors d'une chirurgie de l'appendice.
Il prétend avoir été conscient durant ces 6 ans. Afin de ne pas devenir complètement fou, Jean s'est inventé une vie. Une femme, deux enfants, un travail, des loisirs...
À son réveil, pour lui, la réalité était devenue un véritable cauchemar. Paniqué, la seule chose qu'il demandait aux infirmières et médecins attroupés autour de son lit, c'était de voir sa femme et ses enfants. Lorsqu'on lui expliqua qu'ils n'existaient que dans sa tête, Jean fit d'énormes crises à répétition, allant jusqu'à se frapper pour tenter de se réveiller, afin de retrouver les siens.
Puis les semaines et les mois passèrent. Ne pouvant supporter la disparition de sa famille inventée, l'angoisse le triturant sans répit, la réalité devint intolérable pour cet enseignant, malgré la médication et les thérapies. Un jour, n'en pouvant plus, Jean demanda l'aide médicale pour mourir qui lui fut refusée. Il arguait que dans ce cas-ci on devrait faire exception et prendre ses responsabilités. Puisque son état était dû à une erreur médicale. On lui opposait entre autres l’argument que s'il n'avait pas demandé l'anesthésie générale au lieu de l'anesthésie locale qu'on lui avait proposée, il n'en serait pas là. Jean alla même jusqu'à embaucher une firme d'avocat réputée dans les causes médicales, pour que l'on se soumette à sa demande.
Mais un soir n’en pouvant plus, Jean ingurgita un cocktail létal afin de mettre fin à ce cauchemar. Comme lors de l'erreur mécicale, la dose n'a pas suffi.
Il fut de nouveau plongé dans un profond coma. Peut-être a-t-il enfin retrouvé sa femme et ses deux enfants virtuels. Qui sait? Quelque temps après, on évalua les probabilités qu’il sorte du coma : elles étaient pratiquement nulles. Et le curateur public a obtenu l'autorisation de faire débrancher Jean. D'aucun disent que c'est le manque de lits et de personnel qui a justifié cette décision prématurée. Ses avocats, de concert avec le seul héritier, un cousin éloigné, poursuivent maintenant l'état, non plus pour lui avoir refusé l'aide médicale à mourir, mais pour meurtre.