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« Chargés par les dieux du théâtre de raconter l’histoire des Reliques de la Mort du phénomène littéraire Harry Potter, deux saltimbanques en collant débarquent sur scène », voilà ce qu’annonçait le programme de la pièce La grande mascarade qui débarquait sur la scène d'Espace Libre pour la première fois hier, le 12 août 2025. Les comédiens Étienne Lou et Gabriel-Antoine Roy portent à bout de bras un projet unique tous deux cachés derrière des masques et des choix humoristiques judicieux, le tout cachant secrètement un bagage émotionnel qui se dévoile peu à peu sous nos yeux.
Le Conte des trois frères raconté lors du septième tome de la saga Harry Potter ne sera pourtant qu’un prétexte afin de piquer la curiosité des foules, car, bien qu’il soit utilisé comme fil d’Ariane à travers les sketches loufoques de la pièce, La grande mascarade n’a rien à voir avec le monde du sorcier à lunettes.
Les comédiens Étienne Lou et Gabriel-Antoine Roy travaillent sur le projet de La grande mascarade depuis une décennie, afin de trouver la recette parfaite d’art du masque, d’improvisation et de suites pas très logiques de situations faisant monter tranquillement l’émotion du public.
La pièce débute par une simple lumière sur scène, animée comme si cette dernière prenait vie afin de souhaiter la bienvenue au public. Ce n’est d’ailleurs pas le dernier objet qui s’animera : chaises, projecteurs, cordes et rideaux prendront également part au spectacle, rendant service tour à tour au moteur comique de la pièce.
À l’entrée, un pot de bonbons au litchi est présenté afin que le public puisse en piger un ou deux à déguster durant la pièce. Dès les premières minutes du spectacle, le personnage d’Étienne Lou annonce que le public est ici pour se faire divertir, et qu’advenant qu’un spectateur s’ennuie, il pourrait faire du bruit avec l’emballage du bonbon, et les comédiens remédieraient à la situation. Le quatrième mur est brisé, le public se sent interpellé, et ce ne sera pas la dernière fois, La grande mascarade étant un spectacle d’échanges entre public et comédien, comme j’en ai rarement vu dans ma vie.
Cachés derrière des masques à la manière de ceux de la commedia dell'arte, Étienne Lou et Gabriel-Antoine Roy s’inspirent de la fameuse dynamique de clown blanc (Étienne) et clown rouge (Gabriel-Antoine), ce dernier trouvant toujours une manière de rendre son personnage de plus en plus absurde.
Dès sa première apparition sur scène, son personnage, bien qu’un peu épeurant, ne cesse de provoquer chez le public des rires grâce à l’absurdité punchée de ses paroles et de ses gestes. Au fur et à mesure de la pièce, il reviendra, trouvant toujours une manière de capturer l’attention du public, jusqu’à se dévêtir quasi entièrement, se présentant pubis nu à la foule. Détrompez-vous, c’était fait avec justesse et bon goût, montrant la dextérité avec laquelle la paire jonglait avec la fine ligne de l’absurde.
Les moments les plus forts de la pièce étaient livrés par le second personnage de Gabriel-Antoine Roy : un homme masqué, prétendant qu’il n’avait rien à voir sur scène et implorant le public de regarder ailleurs. Ce personnage timide et attachant a su soutirer au public les plus vives réactions, remportant la palme d’or de La grande mascarade.
Croyez-moi, je travaille fort pour décrire et rendre hommage à l’œuvre que j’ai vue hier. Mais il s’agit d’une pièce qui doit être vécue, due à ses nombreuses improvisations et à des situations qui ne se transmettent pas à l’écrit. Il est également périlleux de trouver une trame narrative à cette suite de tableaux loufoques qui demeurent malgré tout visiblement calculés. Bien sûr, à travers le récit du Conte des trois frères, on retrouve les thèmes de la mort et de la fuite de cette dernière. À plusieurs reprises d’ailleurs, les comédiens abordent des meurtres, ou la perte d’un proche.
Toutefois, le thème de la mort s’intègre subtilement et avec une habileté travaillée, ce qui a comme effet de surprendre le public jusqu’aux tripes lorsque, vers la toute fin de la pièce, les comédiens s’installent à contre-jour, enlèvent leurs masques, et entreprennent une conversation sérieuse et sincère sur le deuil et la peur de mourir. Ce changement de ton arrive rapidement, et est venu toucher le public droit au cœur, alors que des sanglots se faisaient entendre à travers le public.
C’est donc un véritable tour de force que les deux comédiens ont réussi à créer avec La grande mascarade, le projet qu’ils chérissent depuis si longtemps. Bien que les amateurs de la saga Harry Potter y trouveront peut-être moins leur compte que prévu, c’est assurément avec l’impression d’avoir observé un tour de magie théâtral que la foule quitte la salle suite à la représentation.
La grande mascarade sera présentée à l’Espace Libre jusqu’au 23 août. Afin de vous procurer des billets, rendez-vous sur le lien suivant.