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Je l’avoue d’emblée, le nom Hamilton n’était pour moi que celui d’un succès planétaire dont les échos me parvenaient sans que j’en saisisse réellement la portée. L’histoire de ce père fondateur américain m’était complètement inconnue. C’est donc avec une curiosité presque candide que je me suis préparée à assister à ce phénomène musical, présenté à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.
Pour m’accompagner dans cette découverte, j’ai invité mon fils de 30 ans, dont les yeux se sont illuminés à la simple mention du spectacle. Il rêvait de voir Hamilton depuis des années, guettant les occasions de se rendre à Broadway. Quelle ne fut pas sa joie d’apprendre que ce monument de la comédie musicale venait à lui, ici, à Montréal, grâce à Broadway Across Canada !
Quelques heures avant la représentation, Raphaël est devenu mon guide; il m’a initié à l’univers de Lin-Manuel Miranda, ce créateur de génie, à la fois parolier, compositeur, dramaturge et acteur.
Cet artiste prolifique est également derrière le succès de In The Heights et de plusieurs chansons mémorables des films de Disney, comme Moana et Encanto.
Cependant, en visionnant les extraits que mon fils me faisait découvrir, une inquiétude est née : ma maîtrise de l’anglais serait-elle suffisante pour saisir la complexité des paroles et la richesse de l’histoire, livrées sur un rythme effréné de rap et de hip-hop ?
Sur le conseil de Raphaël, j’ai visionné la captation du spectacle sur une plateforme de diffusion avec des sous-titres français. Grand bien m’en a pris ! Cette préparation m’a permis de savourer pleinement la production sur scène, sans que mon esprit soit constamment en train de décoder chaque mot.
Hamilton est bien plus qu’une simple biographie musicale. C’est la saga épique d’Alexander Hamilton, un orphelin des Caraïbes qui, par son ambition dévorante et son intelligence fulgurante, a gravi les échelons pour devenir l’un des pères fondateurs des États-Unis.
Divisée en deux actes, la pièce nous plonge au cœur de la Révolution américaine autour de 1775.
Le premier acte relate son ascension, sa rencontre avec des figures emblématiques comme George Washington et le Marquis de Lafayette, et ses rivalités naissantes, notamment avec son ami et futur adversaire, Aaron Burr. On y rencontre aussi des personnages historiques importants comme Thomas Jeffersen, James Madison et le roi Georges III.
Le second acte, plus sombre, explore les conséquences de ses choix politiques et personnels, ses scandales et les tragédies qui ont marqué sa vie jusqu’à son duel fatal avec Burr.
Lin-Manuel Miranda, inspiré par la biographie de Ron Chernow, a eu le coup de génie de raconter cette histoire du 18e siècle avec les sonorités d’aujourd’hui. En mélangeant hip-hop, jazz, R&B et airs de comédie musicale classique, il a créé une œuvre universelle qui parle de politique, d’amour, de trahison et de la quête d’un héritage.
C’est l’acteur Tyler Fauntleroy qui interprète le rôle de Hamilton, originalement joué par Miranda lui-même.
Sur scène, la magie opère instantanément. La mise en scène de Thomas Kail est d’une fluidité remarquable. Le décor unique, une structure de bois et de briques évoquant les chantiers navals de l’époque, se transforme au gré des éclairages sophistiqués de Howell Binkley, nous transportant d’un champ de bataille à un salon politique avec une simplicité déconcertante.
Les chorégraphies d’Andy Blankenbuehler, sans être l’élément central du spectacle, sont d’une précision chirurgicale. L’ensemble des danseurs et danseuses bouge comme un seul corps, appuyant le récit et ajoutant une couche d’énergie à chaque tableau.
La présence d’un orchestre en direct, sous la supervision musicale d’Alex Lacamoire, ajoute une puissance indéniable à la partition déjà riche.
La distribution de cette tournée nord-américaine est impeccable. Le jeu des acteurs est d’une justesse qui fait honneur à la complexité des personnages.
Mentions spéciales à Christian Magby (Jeffersen) et Matt Bittner (roi Georges III) qui, par leur gestuelle, font rire à certains moments moins sérieux !
Les voix sont puissantes et maîtrisées, particulièrement celle de Lauren Mariasoosay, qui incarne avec une grande sensibilité Eliza, l’épouse d’Hamilton et celle de A. D. Weaver (Washington).
Depuis sa création en 2015, Hamilton a accumulé les récompenses, dont 11 prix Tony et un prix Pulitzer pour le théâtre. Partout où il passe, le spectacle est acclamé. Montréal ne fait pas exception. Les critiques québécois ont salué une production « révolutionnaire » d’un « dynamisme » exceptionnel, où les 48 chansons s’enchaînent sans le moindre accroc. La virtuosité vocale des interprètes et l’universalité du message ont été unanimement soulignées.
Cependant, un point fait débat : la barrière de la langue. Pour un public francophone non averti, la densité des paroles et la vitesse du débit peuvent représenter un obstacle majeur à la compréhension de l’intrigue. En cas de doute sur la capacité de votre oreille à comprendre l’anglais, n’hésitez pas à connaitre l’histoire au préalable afin d’apprécier pleinement l’œuvre.
Malgré ce défi linguistique, Hamilton réussit à nous captiver. C’est une histoire de pouvoir, d’ambition et de la construction d’une nation qui, par son traitement audacieux et sa distribution multiculturelle, résonne profondément avec notre époque.
C’est une expérience théâtrale totale, une page d’histoire qui se déploie sous nos yeux avec une énergie et une pertinence qui forcent l’admiration. Un conseil, donc : préparez-vous un minimum, et laissez-vous ensuite emporter par ce tourbillon scénique.
Vous ne le regretterez pas.
La comédie musicale Hamilton est présentée jusqu’au 7 septembre, à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, du mardi au vendredi à 19 h 30 et les samedis et les dimanches à 13 h et 19 h 30.